Karine Le Bail est une historienne et à ce titre avait été invitée à la
Fabrique de l'histoire sur France Culture le 20 juin dernier pour
Actualité des parutions : Karine Le Bail évoque son livre "La musique au pas, être musicien sous l’occupation". déjà mentionné
ici.
Sa nouvelle émission est résolument tournée vers l'histoire et les invités sont des spécialistes reconnus de telle ou telle période. Ainsi Pascal Ory, quasiment un producteur délégué de la chaîne, intervient-il le 11 septembre dernier dans un numéro intitulé
Les fêtes musicales du Front populaire. L'historienne et l'invité entretiennent un dialogue de connaisseurs, chacun ayant travaillé sur le même sujet. Cela donne une discussion très informée. Ensuite à chacun le droit d'aimer ou non le discours de Pascal Ory.
Il faut relever la page conçue de manière soignée par la responsable d'émission. Une photo bien choisie, un résumé du sujet, une présentation complète de l'invité, la programmation musicale détaillée et plusieurs vidéos. Difficile de faire mieux (si, avec
l'entretien entièrement transcrit en pdf).
Une récente émission (25 09 2016) est à marquer d'une pierre blanche. Là aussi, l'historien Stéphane Audoin-Rouzeau est engagé et le justifie. Difficile de se permettre une quelconque réserve sur le traitement d'un sujet tel que
Musique et violences de masse quand on entend l'historien terminer une phrase à propos du génocide du Rwanda dans un sanglot.
Quatre parties dans cette émission : une évocation de la Guerre de 14-18 (
Stéphane Audoin-Rouzeau est spécialiste de la Grande Guerre et président du Centre de recherche de l'Historial de la Grande Guerre de Péronne, dans la Somme), une séquence musicale en direct*, une évocation de la torture par les sons et une discussion sur le génocide au Rwanda avec de stupéfiants extraits d'émissions de la Radio Mille-Collines.
Karine Le Bail fait très fort en laissant les rênes au duo de musiciens durant plusieurs minutes sans intervenir durant leurs explications de la sonate pour violoncelle et piano de Bridge qui a dû inspirer le choix de la photo. Du rarement, sinon jamais, entendu et qui laisse une bonne impression.
La page exhaustive inclut une "playlist" de 12 titres, dits " morceaux de musique", présumés avoir été utilisés à des fins de torture**. J'en recommande la parcours (cliquer sur les trois barres dans le coin gauche de l'écran pour choisir ou changer de piste), pour comprendre un certain type de culture américaine, le dernier clip n'étant pas le moins effrayant par sa vulgarité.
*
Le violoncelliste Thomas Duran et le pianiste Nicolas Mallarte interprètent en direct depuis le studio 109 la Sonate pour violoncelle et piano, en ré mineur de Franck Bridge, qu'ils ont enregistrée sur un album intitulé La Naissance d’un nouveau monde, chez Hortus (2014, coll. "Les Musiciens et la Grande Guerre").
**
Torture blanche - Cette torture blanche consiste en l'utilisation de bruits sourds diffusés à un volume d'environ 82 décibels et qui ne sont interrompus que 7 secondes toutes les 45 minutes. Parfois, la torture se sert de morceaux de musique joués en boucle, 24h sur 24. Les morceaux sont choisis en fonction de leur structure, de leur aspect naturellement répétitif, de leur agressivité, mais aussi parfois par le message patriotique qu'ils délivrent, comme par exemple Born in the USA, de Bruce Springsteen.