Vous n'allez pas retirer à Henry sa signature historique, non mais ! Au fait Henry (à ton retour de l'opéra d'en-face), il y a possibilité d'ajouter une signature automatiquement, dans les options de ton profil.
Une semaine de nouveaux chemins à signaler ces jours-ci, consacré aux questions de l'origine (du monde
of course).
Du côté des invités scientifiques, le programme est bon : lundi, Jean-Pierre Luminet, mercredi Etienne Klein. On y évoque les éternels big bang, cosmogonies relativistes et tutti quantique.
Le numéro avec Luminet était meilleur de mon point de vue : Raphaël y tient davantage le rôle du candide, qui lui va mieux, car c'est souvent de là qu'il pose les meilleures questions. C'était le cas ce lundi, où les apories qu'il mettait en lumière tombaient juste et Luminet, loin de tout scientisme façon mauvais positivisme, l'accompagnait volontiers dans l'exercice, avec une lampe torche savante bien utile.
Avec Etienne Klein, et contrairement à ce que j'espérais, Raphaël a enfilé l'habit du confrère philosophe, avec le consentement de Klein. En jouant une partition trop proche, on n'y avait pas la même qualité de contrepoint. Chacun tentait de devancer l'autre dans l'anticipation du paradoxe et de l'aporie à venir, Enthoven s'y trompant une fois sur deux (pas si mal, sans formation scientifique) et Klein trop bon joueur pour ne pas trouver une façon de le sauver.
Raphaël en a d'ailleurs profité pour les brancher sur quelques unes des questions de base qui le taraudent avec insistance des qu'il s'agit de science, comme il le fait avec chaque invité dès que le sujet s'en approche : ce qu'il tient pour un paradoxe dans le concept d'atome, étymologiquement indivisible, et pourtant étendu, donc on devrait pouvoir le couper, en droit (d'ailleurs il prend l'atome de la physique pour une particule élémentaire, ignorant visiblement - mais rien de grave à ça, EK aurait pu le signaler - que ce sont des entités nommées "atomes" à la fin du 19ème siècle, composées effectivement de particules plus élémentaires découvertes depuis, les quarks et les électrons).
Enthoven balance d'ailleurs dans ce numéro de mercredi une petite contre-vérité : quand EK évoque la physique newtonienne, Raphaël précise pour l'auditeur qu'il s'agit-là de la physique intuitive, celle de l'homme de la rue...
Ah bon?? Visiblement pas si intuitive pour lui. D'une part, je ne suis pas sûr que tout le monde ait l'intuition de la raison pour laquelle les objets chutent tous sur terre à la même vitesse, ni pourquoi les fusées n'ont pas besoin d'air ou d'un milieu d'appui pour avancer.
D'une autre, Raphaël n'a visiblement jamais entendu parler du calcul différentiel de Newton (et Leibnitz) : Il ressort à la plupart de ses invités, dès que le sujet l'effleure, et après plusieurs déconvenues à ce sujet, le paradoxe du mouvement dans un espace tenu pour infiniment divisible, celui de Zénon d'Elée, d'Achille qui ne peut rattraper la tortue, qu'il tient toujours pour non résolu et pour recelant quelque chose d'inabordable par la science...
La dessus, il y est récemment revenu et, au cours de plusieurs tentatives dans la très bonne série indiquée plus haut par Henry et Basil : celle sur les présocratique, du 8 au 12 décembre derniers. Le paradoxe des atomes (ça aussi, insoluble dans la science), il l'avait déjà posée à son invité sur Démocrite, Heins Wismann.
Celui de Zénon d'Elée, c'était dans
l'émission consacrée à Parménide, avec Barbara Cassin. Celle-ci, je l'avais trouvée formidable tout au long de l'émission. Chaque sophisme de Raphaël, elle l'y démonte joyeusement, chacune de ses obsessions, elle les dégonfle avec aplomb et clarté, parfois sans faire attention aux égratignures qu'elle cause à son hôte, c'est savoureux.
Bref (je m'égare depuis trop longtemps pour ne pas continuer) sur Achille qui ne rattrape pas la tortue, Raphaël en tout cas ne saisit pas comment, car il tient que le langage ne peut pas en capturer l'explication -, Barbara Cassin lui apporte enfin la réponse idoine : Il y a un langage pour décrire ça, c'est celui de Leibnitz, du calcul intégral et différentiel.
Avec ça, Raphaël est bien avancé, il acquiesce rapidement mais visiblement sans bien savoir de quoi il s'agit, au fond. Leibnitz, il connait, et bien même, je me souviens de ses "Commentaires" du vendredi de ses débuts à FC, magnifiques sur le sujet. Mais la différentielle, soit il l'a esquivée, soit il ne l'a pas digérée. Alors l'auditeur, en général, non plus, vraisemblablement. C'est bien normal, et Barbara Cassin aurait pu lui représenter plus simplement l'image que si on peut découper indéfiniment en deux le nombre d'étapes entre le départ d'Achille et le point où il rattrape la tortue, au fur et à mesure qu'il la rattrape, eh bien le temps parcouru pour chacune d'entre elles est aussi divisé en deux. Et si on additionne toutes ces durées, on a certes une somme d'un nombre infini de termes, mais cette somme est quand même finie. Il est des séries (des sommes d'un nombre infini de termes) qui tendent vers un nombre précis, et pas vers l'infini, c'est le cas de 1+1/2+1/4+1/8+... qui tend vers 2. C'est le temps auquel Achille rattrape la tortue, et pour Raphaël c'est toujours un mystère. Et on ne sait pas combien de fois encore il le ressortira à ses invités, c'est sa marotte. Mais pour le coup, elle n'est pas newtonienne l'intuition physique de Raphaël, elle est au mieux aristotélicienne.
Bon, écoutez-là, la série en cours de la semaine si vous en avez l'occasion. C'est quand même une des quotidiennes qui tient la route, et si on aime surtout signaler les défauts d'Entho, c'est que ses qualités sont évidentes.