terki a écrit: [...] Est t'il possible de débattre avec des bateleurs de foire qui ne répondent jamais aux questions, et s'en tirent toujours avec de vieux trucs de music hall. Qui répondent , à n'importe quel argument fut til bien construit, par des mensonges grossiers et des répliques de salle de garde ?.
[...]
l'exercice est difficile non ? D'autant plus difficile si vous êtes journaliste dans une radio d’état qui doit garder plus ou moins une certaine "neutralité". Je ne dis pas que france culture est EFFECTIVEMENT une radio neutre politiquement, je dis que c'est comme ça qu'elle se présente. Donc vous entrez dans le lard de Le Pen est vous allez avoir tout ceux qui votent pour eux dans le collimateur. Pas simple.
Derrière un micro ou une camera, dans ce genre d’émission ( le direct branché sur la nouveauté ) le démago l'emporte toujours sur le journaliste honnête. Seule des émissions de fond , ou l'on démontre les conséquences qu'auraient les mesures que prônent le FN , concrètement , point par point, dans la vie des français, seraient efficaces .
Cher terki je vous trouve bien capitulard : si le programme de Marine Le Pen est inepte, léger, irréaliste, eh bien je crois que des économistes sérieux peuvent le montrer, et que l'exercice sera moins difficile si précisément, on ne la laisse pas envoyer le débat sur orbite.
- Huertas a fait exactement ce qu'elle adore qu'on lui fasse : il lui rentre dans le lard, comme vous dites. Mais personne ne l'y a obligé. De ce choix (?) tactique il a payé le prix : non seulement il a reçu une raclée, mais il a rendu service à l'adversaire.
- Couturier a agi différemment : il a tenté de parler d'économie. Hélas non sans agressivité dans le ton. Quand il fait l'éloge du modèle allemand, elle lui répond en montant le ton qu'on n'a pas gagné en 45 pour courber l'échine maintenant devant l'Allemagne. C'est quand même fortiche, ça : on aurait dit une réponse de syndicaliste, sur le ton "on ne va pas baisser notre froc devant le patronat !" (sous entendu : on préfère couler la boite - tant pis pour les emplois - vive l'épreuve de force et vive les jeux où tout le monde perd).
Au delà du ton de bac-à-sable de cette repartie, ce qui m'a sidéré, c'est que personne ne s'empresse d'en relever l'ineptie. Ineptie historique qui aurait fait un bon sujet pour un lycéen : en 1939 le désaccord entre la France et l'Allemagne n'était pas de nature économique ; en 1939 l'Allemagne était un état totalitaire à visée expansionniste ; en 1945 la nature criminelle du régime ne faisait de doute pour personne. Qu'y a-t-il de commun entre l'Allemagne de 2011 et celle de 1939 ? Dans la bouche d'une personne qui aspire à un mandat politique de niveau national donc international, un tel rapprochement historique foireux c'est vraiment un auto-brevet de stupidité historique.
Au delà de l'indice sur la personne, quel est le sens de cette réponse de Marine Le Pen ?
Réponse : c'est un exemple des âneries qu'elle balance quand elle se trouve poussée à bout non par l'agression, mais parce qu'on l'a amenée sur le terrain où elle est la moins forte. L'enseignement tactique, c'est qu'iI faut donc l'éloigner de la polémique morale qu'elle-même nourrit de sentiments moraux bas (l'envie revancharde, ferment du populisme), et la tirer vers le volet technique de la politique. J'ai bien dit technique et non pas juridique. Donc l'économie, les relations internationales, et les sciences annexes où sa nullité éclate (sociologie, démographie).
Et parce que son habileté est certaine, je pense aussi que l'occasion de répéter sa bourde sur l'Allemagne, ça va se présenter de nouveau ; et que Marine Le Pen n'abusera pas de cette réponse absurde qu'elle avait servie ce matin-là. Au débriefing avec son team, cette sortie a dû être pesée pour ce qu'elle était : une belle bourde qui lui aurait coûté quelques points si les adversaires avaient été à la hauteur.
Il y a des invités qui dégradent le débat : ce sont ceux qui saturent la discussion en émotion et en dérive polémique, tout en se tenant à l'écart la partie du débat qui, à la fois factuelle et technique, pourrait leur donner tort, montrer que leurs certitudes ne sont pas si justifiée, que leur conviction pour solide qu'elle soit, n'est pas si étayée. C'est un peu ce qui s'est passé quelques jours plus tard avec Paul Jorion où, cette fois encore, je pense que Couturier a bien joué le coup. Sauf que Jorion n'est pas un boxeur comme Marine, du coup ce matin-là il a explosé en plein vol. Sa popularité n'en sera pas diminuée, parce que ses groupies refusent d'entendre ce qui a été dit. Mais elle augmentera d'autant moins que les oreilles exigeantes, celles qui demandent à entendre de la vérité et des idées, auront remarqué ce matin-là qu'avec Jorion ils n'en auraient pas. A mon sens Marine le Pen n'est pas gagnante non plus : je pense que le public de France Culture, càd les auditeurs qui cherchent à s'informer, n'auront pas donné dans le panneau, au contraire seront encore plus des militants anti-FN. Même en constatant qu'elle a cloué le bec à plus de la moité de l'équipe, le public de FC ne se retournera pas comme ça.
Je continue à répondre dans le désordre à ceux de vos paragraphes que j'ai sélectionnés : comment savez-vous que face à un journaliste honnête, le démago l'emporte ? J'aimerais bien savoir ce qui vous permet de l'affirmer. Je crois au contraire que sur le sujet essentiel de la politique, en évitant les dérives foireuses qui ouvrent la porte aux démagogies, la meilleure émission radio pour accueillir Marine Le Pen serait "La rumeur du monde". A condition qu'on s'y efforce de parler objectivement du programme du FN (il ne peut pas être nul et non avenu à 100% - les idées valides qu'il contient doivent donc être diffusées), et en évitant les dérives sur la personne à la façon de Huertas. C'est donc une question de rigueur, et de méthode. Ce débat honnète, loyal, sincère, et sur la table de la démocratie, c'est précisément ce qu'avait fait Noël Mamère dans un débat télévisé face à JM Le Pen. Dans une discussion sans éclat, il n'avait cessé de marquer des points. C'est la seule fois où j'ai vu Le Pen perdre dans les grandes largeurs, et c'est aussi une des rares où j'aurai vu Mamère se mettre à ce point au service de la vérité. Mais si au lieu d'être le seul, il avait été en 2002 l'exemple pour les autres, on peut imaginer que le FN serait resté à un étiage de parti protestataire, entre 10% et 15%.