A peine bouclé le billet quotidien d'Hubert Huertas, ça commence avec la question des 500 signatures requises pour se porter candidat aux présidentielles, et là une première ânerie de Marine Le Pen que personne ne relève : si M. Lang a ses 500 signatures, c'est qu'on les lui aura données, puisque dit-elle, le FN qui est grand mouvement, doit ramer pour les obtenir. C'est oublier que les consignes et le chantage anti-FN que reçoivent les maires de France -véritable déni de démocratie- ne se met en route que pour autant que le candidat FN soit dangereux, vu l'importance qu'il a acquise. Mais tant que le potentiel d'un candidat ne s'élève que jusqu'à 0,1 % , il n'est nul besoin de le bloquer en le privant de ses signatures. La réponse de Marine le Pen est donc exactement le contraire de ce qu'elle devrait être, et une énormité déjà révélatrice du manque de finesse argumentaire de l'invitée. Effectivement, on verra que la plupart de ses points elle les marque soit par son énergie personnelle (le culot, l'arrogance) au service de sa rhétorique, soit grâce aux bévues de l'adversaire. En face, que personne ne relève cette absurdité est déjà bien dommage. Il est vrai que c'est un aspect tout à fait secondaire parmi les questions à traiter ce matin-là, n'empêche que la discussion démarre vaseusement sur cette dissidence de Lang au sein du FN. Huertas essaie de garder la main pour asticoter Le Pen, qui n'a aucun mal à marquer ici son premier point : en 2002 une dissidence bien plus dommageable, celle de Bruno Mégret, n'avait pas empêché le Front de se retrouver au second tour.
Ayant encaissé ce premier but, Hubert repart valeureusement à l'assaut, interrogeant Marine Le Pen sur son voyage aux USA, voyage dont il s'étonne : que diable allez vous faire là-bas ? Vous allez chercher quoi au juste puisque vous n'êtes pas atlantiste ? L'auditeur peut à bon droit se demander à quoi rime cette question qui ressortit à la pure chicane. L'invitée, pas encore arrogante jusqu'alors, ne peut s'empêcher de rire, parce qu'elle devine à ce moment-là qu'elle a en face d'elle un tout petit joueur, et que pour elle la partie est gagnée d'avance. Alors elle lui arrache la parole et la garde, pour placer des arguments furieusement identiques à ceux des idéologues de l'ultra-gauche : ceux du racolage antilibéral et anti-mondialisation. Marine dit avoir été porter la bonne parole à ses homologues d'outre-atlantique, mais on se dit que c'est quand même faiblard pour se donner une dimension internationale, que d'aller rencontrer les partis minoritaires des autres grands pays. Voinchet tente de la pousser à s'expliquer sur l'incohérence qu'il y a à jouer la carte de l'anti-libéralisme tout en allant rencontrer les libertariens américains. Mais elle dégagera la question, par une pirouette rhétorique, et va bien vite revenir marteler son credo anti-mondialisation.
De là quand elle passe à l'inéluctable fin de l'Euro (comme Lordon Jorion et Sapir) Huertas lui objecte qu'elle n'est pas la seule ; et le pire c'est que, mis au pied du mur par son interlocutrice, il ne pourra pas même justifier cette remarque. Il faudrait s'arrêter sur ce dialogue pour montrer ce qu'il a d'irréel : le fonds de la discussion, à ce moment-là, devrait porter sur l'Euro, sur la possibilité et l'opportunité d'abandonner cette monnaie. Or que se passe-t-il : Hubert lui dit qu'elle n'est pas la seule mais il ne peut pas fournir un seul exemple. En face elle justifie son point de vue en citant quelques experts sans qu'on sache bien si elle dit s'en être inspirée ou non (Sapir c'est de l'ultra-gauche et Cotta n'est à Radio-Courtoisie que parce qu'il est tricard ailleurs), elle semble plutôt arguer d'une convergence de vues.
Objectivement c'est bien Huertas qui se plante : parmi les politiques, aucun candidat d'importance ne se hasarde à parier sur la fin de l'Euro. Cela elle n'a aucune peine à le montrer. Alors que fait-elle ? Elle écrabouille le journaliste. Elle a pris la parole et elle la garde, fidèle à la pratique de l'obstruction qui caractérise les débatteurs n'ayant guère de fond. Elle argue que cette sortie de l'Euro, les peuples de l'Europe ne demandent que ça -mais elle n'a qu'un exemple à donner : celui de l'Allemagne. Marc fait remarquer que les populations -pas même les grecs- ne sont pas partisans de quitter la zone euro. Et parce que la population allemande dit-elle, y serait favorable, elle préconise un référendum dans chaque pays d'Europe. Elle semble ignorer que le référendum est impossible en Allemagne, où il est interdit par la Constitution. A ce moment, on pourrait s'arrêter sur la question des opinions publiques : est-ce bien correct de citer seulement l'Allemagne pays fort, tout en négligeant que dans les pays qui traversent une mauvaise passe économique, il n'en va pas de même.
On n'aura pas le loisir de poser cette question, car entre temps Huertas revient dans la discussion... avec le même argument de l'exclusivité, et des scies rhétoriques qui ne vont l'emmener nulle part "je tiens à mettre les choses dans leur contexte" (ah bon, lequel ?) ou "les auditeurs en jugeront". Et comme lui-même est clairement favorable à l'extrême-gauche, probablement furax de la voir marcher sur ses terres de l'anti-capitalisme, de l'anti-libéralisme, de l'anti-atlantisme, il aimerait bien la pousser à reconnaitre qu'elle a pompé ses idées à d'autres, à ses petits copains à lui. Du coup les voila maintenant en plein dialogue de sourds. Aucun des deux ne semble vouloir traiter du fond du sujet, et c'est le plus arrogant qui fera taire l'autre : Huertas se laisse submerger et ne trouve à lui répondre que "on n'est pas là pour faire un débat". Alors ça c'est vraiment génial : le chef du service politique reçoit une quasi-déjà candidate aux présidentielles, et parce qu'elle parvient à le coincer il rétorque qu'il n'est pas là pour discuter. Bel aveu d'impuissance...
Si on fait le bilan de ces 13 minutes, eh bien l'auditeur n'a rien entendu sinon 2 cabots occupés à se bouffer le nez, et un score de 3 à zéro en faveur du plus hargneux des deux. Cette matinale n'est pas seulement une raclée pour Huertas : c'est aussi du temps d'antenne en pure perte, aussi bien pour les idéologues que pour les esprits demandeurs d'information (ne parlons même pas de ceux qui voudraient de la culture).
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