Avec ou sans rendez-vous, d’Olivier Lyon-Caen recevait le 03 octobre 2006 Bruno Dubois pour une émission intitulée :
La mémoire et les pannes de la mémoire. Un numéro captivant, une fois de plus, où la parole de l'invité prend toute la place pour développer patiemment les rudiments du fonctionnement de la mémoire au néophyte. Ci-dessous, une synthèse des propos de Bruno Dubois, auxquels j'ai adjoint des éléments complémentaires extraits d'une autre émission d'
Avec ou sans rendez-vous (
Mémoire et psychiatrie (01 septembre 2009) avec Roland Jouvent) :
Une information parvient à l’homme. De façon auditive, visuelle ou selon un autre de nos sens. Elle est traitée dans le cortex par des zones dédiées à la réception des messages sensoriels : c’est l’analyse. Proches de ces zones, des régions se chargent ensuite de reconnaître la nature de l’information réceptionnée et de lui donner un sens : c’est l’identification. Cette détermination accomplie, l’information est transférée à l’hippocampe (
le péage de l’autoroute des souvenirs) qui la prend en charge : c’est le stockage du futur souvenir dans le cortex cérébral.
Le souvenir a une durée de vie plus ou moins longue. Sa qualité tient à la force de son inscription dans la mémoire au moment de la réception de l’information. Autrement dit, plus nous sommes attentifs au message perçu (fonction de
la quantité de ressources attentionnelles mobilisées), plus la trace mnésique sera prégnante. Par exemple, noter un numéro de téléphone dans son répertoire ne requerra jamais de forte concentration de notre part et ne fera appel qu’à une mémoire dite à court terme (moins d’une minute) : soit
un processus qui permet de maintenir pendant une durée brève une information, mais qui ne la gardera pas en mémoire. En revanche, la mémoire à long terme ouvrira la voie à des stratégies d’encodage qui assureront un stockage pérenne de l’information (certains développeront en conséquence une mémoire visuelle, d’autres auditive). De l'investissement engagé par le sujet dépendra ainsi la plus ou moins bonne récupération du souvenir. Quelques exemples contredisent néanmoins cette vérification.
La performance de mémoire peut aussi, en dehors de l’âge, faire les frais de la dépression, du stress, de troubles du sommeil, de médicaments, et dans le pire des cas d’une défection de l’hippocampe, signe d’une maladie du cerveau. Roland Jouvent fait notamment part de la généralisation du souvenir chez les patients déprimés. Ce symptôme est caractérisé par l'incapacité de se rappeler un souvenir singulier (le jour de mes 15 ans), et sa substitution par une époque ou une période couvrant plusieurs années (quand j'étais enfant en vacances). En cause : des troubles sous-corticaux (la partie ancienne de notre être) qui empêchent de réveiller les émotions sensorielles sollicitées dans le passé.
La mémoire est donc gardienne de nos souvenirs. Elle nous permet d’en rechercher certains au cours des mois ou des années écoulées : c’est la mémoire rétrograde ; Tout comme, grâce à l’hippocampe, nous garantit d’en forger de nouveaux : c’est la mémoire antérograde. Au cours de l’histoire de la médecine, des études de cas pathologiques ont permis d’en recenser plusieurs types : 1/ la mémoire épisodique, 2/ la mémoire sémantique, 3/ la mémoire procédurale.
1/ La mémoire épisodique (ou autobiographique) : est celle qui nous permet de construire le présent à partir des expériences passées et de nous remémorer des événements de notre vie. C’est la mémoire essentielle (et la plus sujette à l’altération), celle qui participe de notre identité. Roland Jouvent la distingue de la mémoire de travail (décrite par Endel Tulving) qui maintient vive la réalisation d'un programme (par exemple, un rendez-vous) tout en permettant d'en sortir momentanément sans le perdre (une panne de voiture). Une bonne mémoire de travail peut contenir jusqu'à 9 items simultanément, une mémoire de travail fatiguée jusqu'à 5.
2/ La mémoire sémantique : est celle qui offre de conserver, en cas d’amnésie, des connaissances sur le monde, tout en signalant au passage que des souvenirs peuvent être structurés dans une autre région du cerveau. Ce savoir de secours est hiérarchisé en catégories ordonnées, qui permettent au cerveau de retrouver par arborescence des notions telles que : la vieillesse est située après l’âge adulte situé lui-même après l’enfance. Preuve qu'une information perçue peut être traitée en fonction de son contenu mais également selon un circuit spécial
si bien que l’on arrive à ce paradoxe de patients qui viennent à l’hôpital sans aucune difficulté, prennent le métro et peuvent vous dire quel jour on est, ce qu’ils vont faire demain (= mémoire épisodique).
Mais quand vous allez leur dire : « _ Quelle est la capitale de la France ? », ils seront complètement perdus, et : « _ Quelle est la différence entre une banane et une orange ? », ils vont regarderont avec de grands yeux en vous demandant ce qu’est une banane. 3/ La mémoire procédurale : est la mémoire inconsciente qui met en jeu
un apprentissage démontré par l’amélioration d’une performance au cours du temps alors même que le sujet n’est pas conscient des mécanismes mis en œuvre. Par exemple : faire du vélo implique l’harmonisation d’une procédure inconsciente (équilibre, mouvements, vitesse etc.). À l’inverse, se passer l’enseignement enregistré d’une langue étrangère pendant le sommeil ne permettra jamais de se réveiller un matin bilingue.
***
L'on peut également se reporter à la première demi-heure d'une troisième émission d'
Avec ou sans rendez-vous :
Nos comportements sont-ils déterminés ? (05 janvier 2010) avec le Professeur Lejoyeux traitant notamment de la mémoire traumatique et de la mémoire du corps.
N.B. : pour récupérer les émissions qui ne sont plus écoutables sur le site de France Culture, rien n'empêche de se balader du côté de l'ANPR une épuisette à la main.