S’il y a une émission qui m’agace au plus haut point et que pourtant j’écoute sur FC, c’est bien celle-ci.
Cet exemple égyptien est tout à fait dans le ton. D’abord, traiter un tel sujet en 7 mn chrono, c’est au mieux de la malhonneteté intellectuelle, et au pire du sabotage. On entend suffisamment de raccourcis stupides comme ça ailleurs sans en rajouter une couche dans une émission dite spécialisée.
Ensuite, inviter Thual sur ce sujet, c’est quand même surprenant (voire décevant), mais bon, à la rigueur. Il a de la bouteille, au moins, il ne va pas dire n’importe quoi. Et puis, ça faisait un bail qu’il n’était pas venu : pensez, presque 2 mois, non mais vous imaginez ???. Il a presque failli me manquer. Tout de même, au passage, j’aimerais que Garcin varie un peu le choix de ses invités (mais combien de fois a-t-il invité Daguzan qui n’a rien à dire d’intéressant en dehors de la cuisine gasconne ???), il n’y a pas que les chercheurs de l’IRIS, de la FRS et de l’IFRI, en géopolitique. Il y a même des gens qui bossent.
Bon, et il faut reconnaître que Thierry Garcin a le don de tuer dans l’oeuf tout sujet potentiellement intéressant : sa manie de poser des questions sur la politique de défense quand il invite un géographe ou de parler économie avec les juristes, par exemple ; ou encore, celle qui consiste à sauter habilement d’une problématique à l’autre (hop, un petit coup d’économie, hop, un petit coup de social, hop, un détour par la géographie), ce qui fait que même l’auditeur le plus attentif ne peut manquer de décrocher face à cette rafale d’informations brutes non analysées. Evidemment, d’ailleurs, quand on veut traiter de tels sujets en 7 minutes. Autre manie suprêmement agaçante : celle de vouloir absolument lire dans les boules de cristal, ce qui le conduit à demander à ses invités de dresser des "scénarios d’évolution possibles". 20 secondes par scénario. Pas trop de scénarios, donc, s’il vous plaît. Et surtout pas de nuances, on n’a pas le temps.
Le ton de Garcin ne fait qu’aggraver l’ennui déjà provoqué par la sécheresse du résumé, un véritable listing chronologique, qu’il nous inflige à chaque fois en introduction (je me souviens d’une fois où il avait réussi à résumer la politique américaine au Moyen-Orient en moins de 30 secondes, montre en main. J’en avais le souffle coupé, mais lui non : il est familier de l’exercice).
Oui, parce que ses sujets sont toujours rien moins qu’ambitieux, n’est-ce pas : des choses comme "Les évolutions du Moyen-Orient depuis 1945". "La dynamique de l’intégration régionale en Amérique Latine". "Grand Maghreb : les évolutions en Afrique du Nord" ou "Pauvreté mondiale" ne lui font absolument pas peur. Quand ce ne sont pas des émissions sans "enjeu", justement, tout juste consacrées à faire un point de situation sur un pays dont on parle, mais que le pékin moyen peine à situer sur la carte.
Nulle surprise, évidemment, si son expression favorite est "il aurait aussi fallu parler de ... mais on n’aura pas le temps... Enfin, en deux mots...".
Du coup, là, on est content, on a une explication : le soulèvement en Egypte, c’est la faute à (ha non, d’ailleurs, c’est pas la faute, c’est grâce à) l’augmentation de la population. Vive les augmentations de population. Tiens, au fait, c’est curieux, en Côte d’Ivoire, le pays d’Afrique Noire qui a vécu une des plus fortes augmentation de sa population en 30 ans (triplement, tout de même...), ben non, ça a pas vraiment bougé. Thual n’hésite pas d’ailleurs à nous dire plus loin : "Le Caire, c’est 18 millions de personnes.. Gisey, 3 millions... Comment voulez-vous maintenir l’ordre dans ces espèces de métropoles complètement ingérables ??". Non que je dise que Le Caire soit facilement gérable (mais je me demande quand même où il a été chercher ses chiffres, il a forcé sur la dose !), mais faire un raccourci aussi simplificateur (ou au moins l’insinuer) entre le nombre d’habitants et le fait que ça soit gérable ou non, c’est ridicule (que dire alors de Karachi, Delhi ou Buenos Aires ?).
Rien que l’accroche de l’émission suffit déjà à faire ricaner : "Les Enjeux internationaux est une courte émission quotidienne de géopolitique qui s’attache à resituer chaque enjeu dans sa perspective historique, à en évaluer la portée, à en imaginer l’avenir. Non seulement les évolutions majeures, mais aussi les mutations en cours, sont analysées.
Rien de moins, n’est-ce pas.
Le tout en 7 mn. Respect.
Bref, ce que je reproche (le mot est faible : je pourrais mordre) à ce genre d’émission, c’est de passer complètement à côté de la complexité des choses. Alors que s’il y a un seul message à faire passer concernant la géopolitique, c’est bien celui de l’extrême complexité, et le fait qu’il soit impossible (et dangereux) de se contenter de quelques facteurs d’explication à la louche (le pétrole, par exemple, est toujours une vieille recette qui marche bien, dans le genre).