Vobiscum a écrit:(...) Un des actes majeurs du réalisateur, une de ses plus grandes responsabilités c'est le choix des voix ! A France Culture, cette prérogative est presque totale. Il est extrêmement rare que des comédiens soient imposés aux équipes de réalisation. Et puis quand les difficultés d'agenda font qu'il ne peut obtenir exactement les comédiens, les lecteurs ou les acteurs qu'il souhaite, il n'en reste pas moins que le rôle de "directeur d'acteurs" du réalisateur (comme on aime souvent à dire) est essentiel à la radio. En effet, tout le sens, toutes les émotions passent par la voix, ses inflexions, son intelligibilité, son intelligence, ses affects, ses rythmes, etc., etc. A la différence du théâtre ou du cinéma, à la radio il n'y a pas d'autre secours que la voix pour raconter une histoire ou faire du sens (sauf parfois le barbouillage avec de la musique, dont certains réalisateurs abusent pour masquer des voix non travaillées). Le rôle du réalisateur dans le studio d'enregistrement est donc avant tout peut-être pas de "diriger" l'acteur, du moins de le guider, de l'orienter, d'infléchir son style ou sa manière, comme de besoin. Le montage, infiniment plus facile, plus riche et plus puissant à la radio qu'au cinéma ou à la télévision permet également, à la suite de l'enregistrement, de parfaire l’intelligibilité, le rapport au sens, l'humeur, le sous-texte véhiculé par l'élocution du comédien, dans des proportions considérables. Les acteurs que nous entendons, ou les lecteurs, même pour les meilleurs, doivent presque toujours - du moins pour une grande part - leurs performances (ou leurs contre-performances !) au réalisateur, à la réalisation. Le mixage même, c'est-à-dire l'équilibre des voix entre elles ou entre la musique et les voix, ou avec les ambiances et les bruitages, participe aussi de la présence et du contact radiophonique de l'auditeur avec l'acteur. (...)
Je ne saurais rien ajouter à ce que vous écrivez tant je partage entièrement votre point de vue et vous sais gré de l'avoir exprimé ici si justement en professionnel du domaine.
Ce soir, encore sous l'émotion d'avoir entendu la voix de Bulle Ogier dans le quasi monologue de L'adoration, de Jean-René Lemoine. On est complètement soufflé tant la voix de Bulle Ogier vous envahit corps et âme.
Et, encore une fois à l'oeuvre, le grand savoir-faire maison de Radio France/France Culture ici représenté par les pointures dont les noms sont les garanties du haut de gamme et du durable : Jacques Taroni, réalisation (un pilier, récemment disparu*) ; Julien Doumenc et Jehan Richard Dufour, prise de son, montage et mixage (noms associés à des productions de qualité) ; Lise-Marie Barré, assistante de réalisation (un des noms dits en désannonce par les enfants de la Fiction « La vie trépidante de Brigitte Tornade » qui reste en mémoire).
L'auteur, Jean-René Lemoine ? Connais pas. Le réalisateur Jacques Taroni ? Connu depuis longtemps. On peut y aller franco. Ceci, pour illustrer une fois encore ce qu'écrivait Nessie dans Déplacement des sources de l'intérêt et de la qualité dont un extrait a été repris dans un post précédent de ce fil (le 83).
* Soirée hommage à Jacques Taroni. Pour saluer le grand réalisateur de radio, disparu brutalement le 21 février 2014, Théâtre et Cie propose une balade parmi quelques œuvres réalisées par Jacques Taroni, et des extraits d’entretiens.