./...
3 - Tout de même : la technique et le social
Ne maîtrisant aucune discipline technique et ne suivant le progrès d'aucune ingénierie, je ne répondrai pas à la question de Fabi par une spéculation sur les sciences & techniques. Mais comme la science-fiction nous offre au moins autant de la politique+social fiction, en relisant quelques classiques on pourrait aussi bien :
- espérer que le discernement humain progresse, par exemple sous l'effet de progrès cognitifs comme ceux de la sémantique générale (cf Le monde des non-A). J'ai bien dit 'comme ceux' et non 'ceux'
- redouter que l'ordinateur central prenne subitement le pouvoir et se mette à faire le con (un exemple parmi je sais pas combien de centaines : le circuit Macaulay)
- assister à quelques pas encore vers l'intégration politique, en attendant une unification au niveau planétaire (?)
- redouter qu'avec ou sans cette intégration politique, le contrôle social prévu par les contre-utopies prenne des tours inattendus
- redouter une bipolarisation croissante de la société, et les moyens de répression sociale pour éviter la guerre civile . A moins que la frustration se trouve palliée non par par les outils du contrôle social (l'abrutissement et le divertissement ) mais par quelque chose de nouveau. Un progrès humain et spirituel ? La généralisation du syndrôme de Frédéric Lenoir (je veux dire : sa touchante spiritualité, non son
poitrail velu)
Au plan technique, si les auteurs de SF avaient prévu le traitement des images et parfois celui des êtres par des ordinateurs super-évolués, l'existence d'un réseau activé en permanence et ses effets sur la vie sociale ne sont pas si présents dans leurs visions du futur, est-ce que je me trompe : le web, la blogosphère, le lien multiple et permanent offert par ce qu'on appelle improprement les '
réseaux sociaux".
Mon pari est donc le suivant, il est non technique mais psychologique et social :
a) intensification d'une vie dématérialisée, au profit non de l'illusion mais de la consommation immatérielle croissante, et du lien social (quoi de plus immatériel que le lien social ?)
b) accroissement des frustrations par un effet bien connu et déjà pressenti chez Tocqueville : un effet conjugué du progrès concret et des réseaux d'information apportera non une satisfaction mais une frustration croissante à deux titres : par l'envie de plus en plus stimulée (ainsi la haine des riches est à la mesure de leur visibilité) et par le résidu incompressible (plus nous aurons, plus le peu que nous n'avons pas nous manquera).
Et je fais un pari négatif sur les contre-utopies comme celles d'Ira Levin ou de Djôdje Orwell, car l'orientation déjà prise par l'implantation de ne va pas dans le sens politique annoncé : certes il y a le recul de l'intimité et le malaise de la mise en visibilité totale (analysé par Giddens et vitupéré par Finkielkraut), mais justement ce présent-là n'avait pas été annoncé comme tel.
Enfin, outre que j'écarte l'exercice catastrophiste à la Dupuy car le catastrophisme n'a de sens que local, je fais un pari négatif sur les peurs écologistes y compris au niveau global : même si le réchauffement de la planète va un peu plus loin que ce que nous annoncent les pire alarmistes du GIEC-IPCC, l'évolution sera progressive, et rien n'assure qu'elle sera catastrophique. Donc ce qui nous est décrit comme de la catastrophe, par exemple la submersion de quelques zones côtières ou encore la désertification de quelques espaces qui d'ailleurs sera compensée par la mise en culture d'au moins autant, eh bien tout cela donnera plus vraisemblablement lieu à du repli (et d'autres expansions) en ordre plus ou moins dispersé. C'est d'ailleurs une chance à saisir pour créer de la nouveauté sur des sites neufs : équipements entièrement nouveaux, villes de conception nouvelle, pour de bon cette fois ?
Voila Fabi & Fred, les premières réflexions que m'inspire l'ouverture de ce fil. Je ne me fais pas d'illusion sur la quantité de bourdes et de banalités qu'elle contient. Pour plaider ma défense, je dirais que la faute est entièrement à rejeter à France Culture : si notre radio préférée au lieu de s'enliser dans son militantisme bas de gamme et dans son narcissisme à deux balles, et au lieu d'activer des alarmismes et de la sociologie de bazar, eh bien si cette radio nous faisait des émissions de la qualité de "Histoires du futur", nous serions tous un peu plus intelligents et de meilleur discernement.