- 3h30 avec Chirico en 1998, soit 20 ans après sa disparition. S’il faut mûrir un peu avant d’apprécier par exemple un Max Ernst, au contraire on entre facilement chez Chirico : pour l’esprit jeune et pas encore entraîné, c’est un choc et ça marche assez bien ; comme chez Dali ou Tanguy, si on veut. Alors après le choc on peut aller fricoter avec ses copains du surréalisme officiel, et finalement, le trouver un peu systématique ce peintre de décors oniriques qu’on dit métaphysiques, et à force de se promener dans ses perspectives on se dit que ses assemblages ça sent quand même un peu le truc. Et puis longtemps après l’avoir foutu à la poubelle, on peut aussi en retrouver l'émotion ou l'étrangeté, sur le tard parce que la poésie ça revient sans prévenir. Où qu’on soit sur ce trajet qui mène à l’usure ou aux retrouvailles, où même si l’on n’est encore jamais entré chez Chirico, eh bien on peut les apprécier les 210 minutes que lui consacrent Pascale Lismonde et Josette Colin, parce que cette émission est en soi un petit voyage. C’est un des miracles de la radio.
- Dans la même nuit, Plaisir de la lecture : la Conscience de Zeno. Le plaisir c’est pour nous, la lecture c’est Pierre Bertin, la présentation par Nino Frank. Dans cette présentation on l’entend bien, le fouineur-truffier et découvreur qu'était Nino Frank. Si vous êtes amateur de personnages sympathiques comme en ressuscitent périodiquement les archives de la radio, ne laissez pas passer l’occasion d’entendre la voix de ce Suisse Napolitain qui ayant quitté l’Italie fasciste, fréquentait la librairie d’Adrienne Monnier où il rencontra Joyce, Larbaud, Fargue, dont il parlera dans ses mémoires. Nino Frank fut l’ami de Max Jacob, de Cendrars et de Mac Orlan, mais aussi d’Albert Riéra et Paul Gilson, et comme un alter ego de Gilbert Sigaux avec qui il créa et administra l’Association du fonds Mac Orlan à Saint-Cyr sur Morin. Belle solution et service gracieux rendu à la municipalité embarrassée par la gestion des sommes considérables que l’écrivain lui avait donné la charge de gérer au mieux après sa mort. Si Nino Frank avait bien des amis et non des moindres, il avait aussi nombre d’activités : vacataire à l’UNESCO, journaliste, critique et auteur dramatique, petite main chez James Joyce, préfacier, traducteur de Pirandello à Calvino en passant par Sciascia, et homme de revue avec Bifur (eh oui). Nino Frank, c’est aussi 20 ou 30 ans de radio on ne sait plus car dans son Dictionnaire de la radio, Robert Prot renonce à poursuivre l’inventaire au delà de 1964 et exceptionnellement, conclut sa notice d’un « etc » fourbu. Dans la liste on retrouve des noms et des titres connus des auditeurs de FC : avec Darius Milhaud, Jean Wiener, Jean Wilfried Garret, Philippe Soupault, Paul Gilson, des dramatiques, des soirées littéraires, et puis les fameux souvenirs de la nuit avec Mac Orlan, et des Soirées de Paris avec Guy Delaunay qu’on va retrouver d’ailleurs le lendemain à la même heure. On doit un portrait touchant de Nino Frank à cet autre de ses amis qu’était son éditeur Maurice Nadeau, qui a raconté sa fin triste ainsi que celle tout aussi triste de Gilbert Sigaux dans le chapitre commun qu’il leur consacre, avant de conclure «... tous deux au service de plus grands qu’eux, du moins c’était leur conviction, ont-ils jamais pensé que ces ténors du roman et de la poésie, que de diverses façons ils ont contribué à nous rendre accessibles, leur doivent souvent d’avoir touché nos oreilles ? Trop modestes sans doute pour l’imaginer, trop peu soucieux de leur propre gloire. Mes amis. »
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Dernière édition par Nessie le Lun 11 Oct 2010, 10:28, édité 7 fois