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En ce qui concerne l'émission elle-même, je pense que mon point de vue rejoint en gros celui de Phil, mais en moins sévère. Sous le titre inchangé depuis 10 ans de "L’Economie en question", FC nous propose au moins la troisième formule de l’émission, maintenant calquée sur celle de l’Esprit Public. Dominique Rousset toujours sérieuse et impeccable a repris le flambeau, après avoir appris dans l’intervalle que l’économie ne se résumait pas à la question sociale, après avoir compris aussi qu’on pouvait prononcer des mots comme « entreprise », « profit », ou « chiffre d’affaire » sans avoir à retenir le renvoi complet de son petit déjeuner. Espérons qu’elle ne suive pas toutefois le parcours un peu oscillant d’un Bernard Marris qui, de Dispute en 2000 à l’Esprit Public en 2002, est passé de l’anti-capitalisme à l’anti-marxisme, avant de continuer vers d’autres mutations que je n’ai pas suivies. Cela dit je n’ai aucune plainte à formuler contre son apparition dans « L’Economie en question » l’année dernière, qui était probablement de ce que Phil réclame : apporter un peu de culture en matière d’économie, au lieu de l’éternel commentaire des non-événements de la semaine. Il faut donc rendre grâce à Caroline Broué d’avoir introduit cette rubrique et d’avoir centré quelques unes des émissions de la saison sur des grands thèmes hors-actu. Pour le reste, il me semble que sur l’année le programme a tout de même été bien saturé par la crise financière. Et donc redondant en cela, je suis du même avis, avec la floppée d’autres débats d’actu-saucio-popolitique : Rumeur du Monde, Esprit Public, Grain à Moudre, sans compter les Matins. Mais justement, si c’est ça, alors l’Eco en question de cette rentrée est plutôt une des plus claires pour mon goût.
Qu’en est-il de la formule actuelle ? Plutôt qu’ « instructive », qualificatif employé à tort et que j’ai à coeur de rectifier en écrivant ce post, je jugerais l’émission plutôt correctement informante. Le débat est moins bavardant que ceux de la Rumeur, plus varié et polyphonique (idéologiquement parlant) que ceux de l’Esprit Public, mieux policé que ceux du Grain à Moudre peut-être parce que les invités sont plus adultes, ou bien parce qu’à force de se croiser de studios en plateaux il se connaissent assez bien, mais est-ce connivence ou effet réseau, ou simplement qualité radiophonique ?
Cela dit, c’est une fois encore le même regret : mais où est passé la culture ?? Depuis la rentrée, c’est plus que jamais du flux, du flux, du flux, à croire que c’est délibéré et surement ça l’est : la station France Culture ne s’intéresse qu'à l'auditeur dont la curiosité se borne à l’événement de la semaine. Peut-être est-ce par peur de les perdre ces auditeurs, une fois qu’ils disposeraient d’une bibliothèque de programmes à écouter. Car c’est un des grands problèmes de cette radio, que d’équilibrer le programme de flux et le programme de stock. Trop de stock pourrait saturer l’auditeur et à terme le décoller de son transistor, peut-être ? (ça, c’est vraiment ne rien connaitre à la psychologie des gens curieux). Alors que toujours plus de flux attirerait toujours plus de clientèle de passage. Et puis question inspiration, là c’est la facilité : suffit de lire les journaux : les sujets sont là.
Il me semble la disparition de sujets non-événementiels dans l’Eco en question illustre bien la tendance de la chaine à se recentrer sur la sacro-sainte actu. Pourtant en cette rentrée, il me semble que cette tendance n’est pas unique et même voisine avec la tendance inverse : à d’autres heures on voit le programme se détacher clairement de l’actu. Voyez par exemple les émissions créées ou déplacées dans la tranche 14h-16h : on pouvait craindre des sujets immergés dans le présent, et c’est le contraire : on nous propose des émissions de type stock. Reste donc à savoir si un savant dosage a été édicté par la Direction ou si, tout simplement, chaque producteur est laissé libre de suivre sa voie. Dans le dernier cas, on peut rêver qu’en recrutant des gens de culture, le Directeur des programmes sans le vouloir ni chercher à obtenir le contraire, nous rendrait une radio culturelle. C’est peut-être, d’ailleurs, ce qui est en train de se passer, car comme dit plus haut, dans la grille de rentrée la culture ne me semble pas en recul, c’est peut-être même le contraire qui est vrai. Mais il est trop tôt pour le dire, tout comme il est trop tôt pour l’évaluer.