[nolettrine]
O'azahr a écrit:"Commentez" ?
C'est nouveau chez vous ce souci du lecteur ?
D'habitude vous vous moquez autant de ce qui vient avant que de ce qui vient après.
C'est usuel chez vous cet irrespect du lecteur ? Doit-on deviner à votre style un troll habitué des lieux en manque d'occupation, ou un primo-arrivant donneur de leçon qui ne s'embarrasse pas d'apporter un peu de contenu avec lui pour sa première ?
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Henry : pour en revenir au fond, je connais très peu Nietzsche, en dehors de quelques émissions entendues sur lui, et la lecture du Zarathoustra, à mi-chemin entre vindicte atrabilaire et culte de la vie, paraboles métaphysiques et distribution de coups. Au sujet du
Crépuscule des idoles et de
l'Antéchrist, faut-il les prendre entièrement au sérieux ? Ce sont les oeuvres parmi celles finales de Nietzsche, malade depuis plus de dix ans, aigri, et au bord de la démence. Je ne sais pas s'il n'y pousse pas jusqu'à la plus absurde caricature certains des traits de sa philosophie, et surtout - c'est peut-être une méprise de ma part - son culte de la vie et de la nature, par-dejà l'humain. De ce que j'ai entendu et de la lecture du Zarathoustra, le plus clair aspect de sa pensée me semble être qu'il prend au sérieux la nature. Qu'il considère que la nature, la vie en nous a une légitimité, un but et des prérogatives qui devraient l'emporter sur les raisons humaines, conscientes, logiques, et venus - à tort, et signe de dégénérescence pour Nietsche - se greffer comme en surplomb du courant vital en nous. Il n'est pas étonnant que cette forme de culte vitaliste ait pu s'inspirer d'un darwinisme alors naissant pour y puiser une source d'arguments en faveur d'une "morale" sans pitié.
Par contre, quand il s'oppose au christianisme, il me semble que c'est davantage après l'institution, ses insincérités et son dogmatisme qu'il en a, qu'à la personne du Christ, pour laquelle il me semble qu'il a lui-même une certaine tendresse, c'est ce qu'il me semble me souvenir en tout cas. Quant à la chappe de plomb d'une morale unique, dominante et irréfléchie imposée à toutes les ouailles chrétiennes, l'attaque qu'il en fait, et sa plaidoierie pour trouver en soi-même les modes d'une morale personnelle ne sont pas sans intérêt et sans arguments.
Un dernier mot pour sauver Darwin : lui-même n'a jamais été un partisan du "darwinisme social", morale sociale tirée d'une mauvaise digestion des idées exposées dans
l'Origine des espèces. C'est, vous le savez sûrement, son cousin Francis Galton qui réalisa le premier ce montage idéologique, et il n'a pas conquis que Nietsche et des gens de droite : de Bertrand Russel à Julian Huxley, cette doctrine et sa nièce l'eugénisme ont flotté assez longtemps dans l'air du temps pour être humé par beaucoup entre la fin du XIX° et le début du XX° siècle.
Seulement, ce genre de pensée caricature l'idée de la sélection naturelle, ignore par exemple la sélection naturelle des instincts sociaux, nécessaire aux animaux grégaires que nous sommes, et sur lesquels peuvent se fonder toute la palette des sentiments de la sympathie à la pitié, en passant par la capacité empathique dont on parle abondamment depuis dix ou vingt ans.
La wikipédia à ce sujet, nous rapporte de Darwin ce passage très clairs publiés en 1871 dans
La filiation de l'Homme :
Darwin a écrit: « Si importante qu'ait été, et soit encore, la lutte pour l'existence, cependant, en ce qui concerne la partie la plus élevée de la nature de l'homme, il y a d'autres facteurs plus importants. Car les qualités morales progressent, directement ou indirectement, beaucoup plus grâce aux effets de l'habitude, aux capacités de raisonnement, à l'instruction, à la religion, etc., que grâce à la Sélection Naturelle ; et ce bien que l'on puisse attribuer en toute assurance, à ce dernier facteur les instincts sociaux, qui ont fourni la base du développement du sens moral. »