Les journaux et la rédaction de FC - Mar 25 Juin 2019, 12:11

Camille Magnard n'est pas le plus mauvais journaliste de la rédaction de France Culture, loin de là. Au contraire ses interventions orales sont marquées par la clarté et la volonté d'aller en profondeur. Ce qui n'empêche pas qu'il soit obligé, comme le caméléon, de prendre régulièrement la couleur politique de ses collègues, mais de façon subtile (par les choix et le montage de séquences dans un journal, par exemple).

On ne peut que saluer sa manière de traiter le premier sujet de la Revue de presse internationale de ce mardi 25 juin 2019 : La Russie, retour en force au Conseil de l'Europe (ci-dessous en intégralité, presque zéro faute [rebellion/veleurs/eux-même/Deutche]).

Pour l'auditeur et lecteur lambda, la synthèse semble solide et fouillée, et elle l'est. Elle contient pourtant plusieurs erreurs factuelles gênantes :
Le site spécialisé sur les questions européennes, EUObserver, nous rappelle que les Russes, dont la participation au Conseil avait été suspendue, avaient ensuite menacé de quitter d'eux-même le Conseil, et donc de ne plus verser leur participation à son budget, mettant en péril l'existence-même de l'institution.

1/ La Russie, qualifiée de "grand payeur", n'a pas menacé de ne plus payer, elle ne verse déjà plus sa contribution depuis deux ans, tout en étant membre de l'organisation.
2/ Si la Russie quittait le Conseil de l'Europe, l'existence de l'institution ne serait pas en péril, cette dernière réduirait ses activités.
Ce compromis, il a été à Strasbourg défendu par la France et l'Allemagne avec cette idée, nous dit la Deutsche Welle, qu'en "revenant au Conseil de l'Europe la Russie s'expose aussi à ce que ses citoyens puissent demander à nouveau la protection de la Cour Européenne des Droits de l'Homme", dans les litiges qui les opposeront à leur Etat.

3/ La Deutsche Welle n'écrit pas cela dans le lien qui renvoie vers sa version en anglais, elle écrit "Russia's departure from the council would deny Russian citizens protection and justice provided by the court — worsening human rights in the country."

Les citoyens russes n'ont jamais été privés des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, il est donc erroné d'écrire "la Russie s'expose aussi à ce que ses citoyens puissent demander à nouveau la protection (...)".

Quand même, bravo à Camille Magnard pour le travail de collectage et de mise en forme de l'information.
(...) Le retour en grâce diplomatique de la Russie s'est joué cette nuit à Strasbourg.  
Et plus précisément dans l'hémicycle du Conseil de l'Europe, cette institution qui regroupe 47 pays du continent élargi, qui défend les veleurs démocratiques et les droits de l'Homme, et où la Russie n'était plus la bienvenue depuis son annexion de la Crimée ukrainienne en 2014.
Or donc, la nuit dernière, une majorité de pays-membres a approuvé le retour de la délégation russe dans ce Conseil et de facto la levée des sanctions diplomatiques censées la punir pour son interventionnisme belliqueux en Ukraine. Et sans surprise c'est à Kiev, que l'on accueille le plus mal cette nouvelle : le quotidien en ligne Ukrainska Pravda reconnait une défaite cuisante pour la diplomatie ukrainienne qui avait tout tenté pour ne pas que les Russes reviennent siéger au Conseil de l'Europe "comme si rien ne s'était passé en 2014 en Crimée et dans le Donbas".
Франція, Італія, Німеччина: хто голосував за повернення Росії у ПАРЄhttps://t.co/efo9kG5UU2pic.twitter.com/BCPUS9oS9n
— European Pravda (@EuropeanPravda) June 25, 2019
Mais le pire, vu d'Ukraine, c'est la manière dont s'opère ce retour, qui ne peut être vu autrement que comme un retour en force.  Le site spécialisé sur les questions européennes, EUObserver, nous rappelle que les Russes, dont la participation au Conseil avait été suspendue, avaient ensuite menacé de quitter d'eux-même le Conseil, et donc de ne plus verser leur participation à son budget, mettant en péril l'existence-même de l'institution. Pour ne pas mettre cette menace à exécution, ils ont exigé (et obtenu) que les mécanismes de vote et de sanctions au sein du Conseil soient modifiés, pour ne plus risquer à l'avenir d'être sanctionnés.  
A présent, c'est l'Ukraine qui menace de quitter le Conseil de l'Europe, indique le quotidien kiévien en langue russe Obozrevatel, qui note bie  qu'elle n'a pas le poids de son voisin et agresseur, et que "l'Europe a clairement choisi la Russie contre l'Ukraine". Pour illustrer cette nouvelle, l'allemande Süddeutsche Zeitung a choisi, forcément, une photo de Vladimir Poutine, léger sourire aux lèvres, en train d'applaudir... ou peut-être de se frotter les mains ?
Im Zuge der Annexion der #Krim hatte der#Europarat Russland das Stimmrecht aberkannt. Eine breite Mehrheit stimmte dafür. https://t.co/kvRJiLxIpC
— Süddeutsche Zeitung (@SZ) June 25, 2019
La même Süddeutsche Zeitung s'interrogeait, avant le vote, sur l'efficacité des sanctions qui depuis 2014 n'avaient pas fait bouger Moscou d'un iota en Ukraine. "A présent s'ouvre le temps du compromis avec les Russes", écrivait Stefan Ulrich.  Ce compromis, il a été à Strasbourg défendu par la France et l'Allemagne avec cette idée, nous dit la Deutsche Welle, qu'en "revenant au Conseil de l'Europe la Russie s'expose aussi à ce que ses citoyens puissent demander à nouveau la protection de la Cour Européenne des Droits de l'Homme", dans les litiges qui les opposeront à leur Etat.  
Ce à quoi les Ukrainiens vous répondront que les condamnations de la CEDH n'ont jamais empêché les autorités russes de violer allègrement les droits civiques. Par contre le message diplomatique, lui, est clair, selon le leader de la délégation ukrainienne à Strasbourg : "message très négatif", cité par la Deutche Welle, qui dit en somme à la Russie "allez-y, annexez d'autres territoires de pays voisins, tuez-y autant de monde que vous le voulez... et vous en tirerez toujours à bon compte".

Rechercher dans: France Culture  Sujet: Les journaux et la rédaction de FC  Réponses: 990  Vues: 36513