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En face de son invitée, Marc Voinchet relaye les clichés de l'époque, en s'efforçant surtout de ne pas voir plus loin que le bout de son nez. Pour lui le débat se résume à une thématique simple "ah vous cherchez à rassurer..." avouant implicitement que les médias se sont donc donné la mission contraire : effrayer ? Donc vendre un maximum de frousse, y compris quand il s'agit de faire peur... des médias eux-mêmes. Jouant peut-être le jeu de la contradiction, Voinchet n'aura de cesse de tirer le débat vers l'attitude rassurante de son invité. Ca ne semble pas lui traverser un seul instant l'esprit, que la géographe se donne simplement pour mission d'exposer la vérité d'une recherche, sans délire pessimiste ni excès d'optimisme. Une vérité toujours limitée, toujours assujettie dans ses conséquences à l'action qu'en feront les hommes et principalement le politique. Sans que personne n'ose moufter Sylvie Brunel déglingue en 3 phrases la vaste opération d'intoxication du Giec, ainsi que le film associé, "Une vérité qui dérange", festival de bidonnage comme quelques autres grands succès du genre, baudruches qui hélas mettent quelques années à se dégonfler parce qu'avec les naïfs qui se prosternent devant ça n'est pas si facile d'envoyer l'épingle qui va lui faire un sort : "Le cauchemar de Darwin" a été dégonflé, maintenant "Une vérité qui dérange", encore combien d'années avant que "Le monde selon Monsanto" ne rejoigne le tiroir des grosses manipes ? Mais tout ça non ça n'effleure pas le sympathique Marc Voinchet, parce que ça fait un bon moment que pour lui, animer une émission de radio, c'est faire un show qui s'adresse à l'émotion : des gens sauvés, des gens perdus, des destins brisés, des actions sublimes, ça oui. Mais allez un peu lui expliquer que la pénurie alimentaire ne dépend pas du niveau des ressources, bien assez suffisantes et qui le seront encore cette année, lui il ne pense et ne répond que par "émeutes de la faim". Parce que voyez vous, des émeutes, ça oui c'est de l'info ! Mais des stocks de céréales pléthoriques, au contraire des rumeurs de pénurie (l'alarmisme médiatique vend beaucoup mieux la pénurie que la pléthore même mal gérée, c'est bizarre n'est-ce pas ? ), et donc la vraie question du géographe, non pas celle de la mort programmée de l'humanité irresponsable, mais celle d'une saine gestion, avec une logistique efficace, humaine, et politiquement saine, bah ça n'est pas bien commode pour faire un titre de journal, une manchette, un titre d'émission, ou une relance dans un débat. Aaaaah se dit Voinchet, parlez-moi d'un bon pitit ouragan chez les pôvres si possible (chez les riches ça ne saurait émouvoir personne surtout que ça pourrait être chez moi, se dit le Voinche), ou mieux parlez-moi d'une bonne pitite hémeute de la faim cha ch'est bon. Et comme Voinchet semble tout de même moins crapuleux que la plupart des marchands de viande de France Culture, lui ne fait pas trop son jus avec l'industrie médiatique du génocide. Qu'à cela ne tienne : dans la station d'autres s'en chargent pour exploiter le filon, en gardant l'oeil droit sur l'audimat et l'oeil gauche dans le mouchoir c'est à dire à proximité de la pelure d'oignon. Larmes de crocodiles des marchands d'émotion, honte de l'information qui s'abreuve au sensationnel le plus crade.
Face à Sylvie Brunel, il y a aussi Clémentine Autain, qui ne peut absolument pas comprendre qu'on lutte contre quoi que ce soit sans lutter aussi et avant tout contre le profit capitaliste et contre les marchés financiers. Dans ce crâne de piaf formaté à la moraline malthusienne, il y a une équation simple : "profit + croissance = malheur". Alors la géographe aura beau placer ces évidences que le développement est ce qui réduit partout la pauvreté, que le monde traditionnel est un monde de malheur politique, d'arriération sanitaire, d'espérance de vie inférieure à l'âge où Clémentine a eu sa première dent (vers 17 ans, croit-on savoir), rien n'y fait : Clem' tombe de la lune à chacune des paroles de l'invitée, et ramène illico le débat au seul niveau qu'elle est capable de conceptualiser (sommairement d'ailleurs), celui de la cible. La cible c'est les marchés financiers bien sûr, vous vous attendiez à quoi d'autre ? Quand les militants iront prendre des cours d'économie politique chez des gens sérieux et non dans les officines politiques de l'éconophobie, ou bien quand ils n'oublieront plus ce qu'ils viennent d'apprendre simplement parce qu'ils passent de l'amphi à la manife, peut-être qu'on entendra moins de sottises sur France Culture. Ce qui est sûr, c'est qu'on y est pas encore.
Mais il n'y a pas que l'écologie dévoyée et instrumentalisée : Sylvie Brunel ne s'économise pas non plus le plaisir d'épingler l'idéologie d'Alex Adler, ni de se payer la tête de Slama, que par deux fois et en rigolant elle accusera de "dramaturgie". Elle voulait surement dire "dramatisation". En effet, Slama qui en son temps a suffisamment vitupéré les marchands de frousse, reste fidèle à son esprit de contradiction et face à celle qui marche un peu sur les mêmes brisées que lui mais en mieux documentée, le voila d'un coup qui change de casaque. Certes dit-il vous avez raison de fustiger les catastrophistes, mais n'oublions pas que des dangers existent, voyons, voyons... et d'en remettre une couche, lui qui d'habitude appellerait plutôt les esprits au calme.... Le pauvre, elle ne le loupera pas.
Des invitées comme Sylvie Brunel on n'en entend pas assez à France Culture. Des chercheurs qui font leur beurre sur les vraies questions pratiques, avec un véritable étayage concret-empirique et non sur les semailles de l'alarmisme et du fantasme populiste, il doit pourtant y en avoir d'autres : l'université française et les organismes de recherche doivent en regorger, de ces études qui montrent qu'on nous effraie pour rien, ou bien trop tôt, ou trop fort, et que ça ne pisse pas loin de semer de la frousse et qu'on ferait mieux de travailler aux solutions. Mais non : à France culture l'arnaque est double. Dans un premier temps on remplace la culture par de l'actu (rien de moins culturel que ce numéro des Matins), et dans un deuxième temps on remplace l'actu par de l'info bidon, nourrie d'idées reçues et de manipes, soit misérabilistes, soit catastrophistes. Et puis parfois on se plante : on invite Sylvie Brunel. Bah c'est pas grave, il y a le ronronnement de Clémentine Autain et les questions-BernardPivot de Marc Voinchet qui a réussi à focaliser sur "pénuries" "émeutes de la faim", réchauffement", sans voir qu'il est à rebours de la discute. On peut parier que l'auditeur a reçu le message 5 sur 5, mais lequel ? L'auditeur formaté a entendu une scientifique dévoyée, peut-être même une climato-sceptique (gent honnie sur France Culture), et l'auditeur sceptique a entendu une chercheuse dont il peut saluer l'esprit d'indépendance. Mais au bout du compte on peut aussi parier qu'on risque pas d'entendre à l'Eloge du savoir le colloque d'aujourd'hui animé par Jean-Robert Pitte & Sylvie Brunel :
"Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête". Au mieux dans Culture Académie ? Oui ? Non ? Oui ? Non ? Oui ? On parie ?