Michel Onfray défend son hédonisme. Encore! Quand il en parle, on n'est pas sur les grandes hauteurs philosophiques. Michel Onfray oppose l'hédonisme vulgaire, celui de la publicité à l'hédonisme philosophique. L'ennui, c'est que sa longue et souvent intéressante série de conférences de l'Université populaire de Caen pompeusement intitulée "contre-histoire de la philosophie" m'a bien convaincu d'une chose:
il n'y a pas de philosophie hédoniste,
en tout cas, il n'y a pas de
grande philosophie hédoniste. Michel Onfray prétendait qu'il y avait tout au long des siècles un courant de philosophie hédoniste qui, toujours brimé, toujours contrarié circulait souterrainement, hypothèse passionnante mais qui ne s'est pas vérifiée. Il y a des philosophes matérialistes, matérialisme et hédonisme, ce n'est pas pareil, même s'il peut y avoir des liens. Pour sa démonstration, Michel Onfray avait fait de laborieux et pénibles efforts pour récupérer à la cause hédoniste des philosophes qui n'ont pas grand chose à voir, y compris Spinoza, ce qui était un comble. Quand il en est arrivé au XVIIe siècle, il nous a présenté une galerie de philosophes qui faisaient pâle figure face aux grands philosophes officiels qui sont au programme de l'enseignement, Descartes, Pascal, Leibniz. Comme ça ne marchait pas, il a abandonné le thème de l'hédonisme, quand il en est arrivé au siècle hédoniste par excellence, le XVIIIe siècle, il n'était plus question d'hédonisme et quand il en est arrivé au XIXe siècle l'eudémonisme a pris la place de l'hédonisme.
Ensuite il s'est intéressé à son philosophe favori, Nietzsche dont il a fait un portrait complètement faussé, gommant tous ses aspects sulfureux, et qui ne saurait être rattaché à l'hédonisme car il lui même le récuse formellement. l'hédonisme.
Et le plus curieux, c'est qu'au XXe siècle, il a rencontré un auteur qu'on pourrait très légitimement rattacher à l'hédonisme le plus extrémiste, c'est Sigmund Freud. Loin de l'annexer à sa cause, et de dire: "vous voyez, l'hédonisme, est là, je vous l'avais bien dit, qu'il allait revenir en force" il l'a complètement dégommé.
Et maintenant il nous ressort son couplet que la philosophie hédoniste gnin gnin gnin serait brimée, maltraitée, sinon persécutée. Sujet de thèses, édition, pas de place pour l'hédonisme, il n'y en a que pour Platon et d'autres idéalistes. Mais c'est tout à fait normal, l'hédonisme philosophique ça n'existe pas, ou si peu. Il a cité Démocrite, philosophe matérialiste qui prescrit la modération des désirs, est-ce de l'hédonisme, peut-être à la rigueur, si on veut mais la faible place faite à Démocrite face à Platon n'est pas un très fort argument pour dénoncer la mise à l'écart de l'hédonisme philosophique.
Michel Onfray était invité à choisir une musique. Si un jour on me posait la question: quelle musique pour vous est la plus hédoniste, je répondrais Ravel, Rameau, Vivaldi, Chopin, Jannequin, Debussy, Tchaikovski. La musique qu'il a choisie, c'est celle du compositeur le plus intensément spirituel, le plus religieux qui soit, lequel, je vous le donne en mille: Jean-Sébastien Bach!!! Comme s'il voulait donner raison à Jean Clair qui affirme qu'un art véritable ne saurait fleurir dans un contexte aussi bassement matérialiste que le nôtre.
Le Ciel vous tienne en joie!