À la suite du message écrit par Yann Sancartorze (
Encore les chiffres d'audience, 20.04.2017), j'ai découvert cette page Internet sur le site de la chaîne:
« France Culture, l'esprit d'ouverture » : une nouvelle signature dans laquelle une vidéo, depuis inaccessible (
mais repostée ici-même) promeut la nouvelle signature de la station.
Quel rapport y a-t-il entre Houellebecq et le capitaine Haddock ? Entre la neuvième Symphonie de Beethoven et les chants Inuits ? L’élection de Donald Trump et Bob Dylan ? Entre un civet de lapin et Heidegger ? Tous ces sujets ont en commun d’être passionnants pourvu qu’on y consacre le temps nécessaire. On peut appeler cela la culture. Appelons cela du temps riche, du temps pas perdu, ça fait moins prétentieux. À France Culture ce temps pas perdu, on en a fait un service public. Parler de tout sans œillères, sans tabous, avec pour seules limites, l’état du savoir aujourd’hui. Car l’ennemi de la vérité, ce n’est pas le mensonge, mais la certitude. En ces temps où l’entertainment prend le pas sur l’essentiel, où l’on prétend rire de tout, France Culture a l’ambition de réfléchir de tout, de rendre tout passionnant, avec ce sens du récit qui fait qu’on reste dans sa voiture pour entendre la suite. Oui, l’ouverture d’esprit, l’ouverture à toutes les cultures, l’ouverture au monde qui vient doivent être notre gymnastique quotidienne. France Culture, l’esprit d’ouverture.Texte, images, montage, la nouvelle publicité de France Culture est un tissu d’âneries. 54 plans entrecoupés de trois cartons de texte et de deux logos de la chaîne pour 1 minute 09 de clip, n’en jetez plus. Voyons la finesse de l’objet (larmes séchées) :
À la 3e seconde, la cohérence de « l'identité graphique » se fait jour : une image trafiquée du capitaine
Haddock fait écho à la clé à
sardines qui sert d’illustration au nouveau slogan : c'est bien vu.
Avant d'aller plus loin : notons que Houellebecq n’a pas droit à son portrait mais juste à l'écriture de son patronyme. Pas assez photogénique pour France Culture ? Droits d'image prohibitifs ? Idem pour Trump remplacé par son slogan pompé à la manière de l’original, lequel est superposé au drapeau des États-Unis (manque plus qu'une carte géographique derrière pour être bien sûr qu'il s'agit du nouveau président américain). Bob Dylan qui hier avait droit à une médaille du Nobel en guise d’illustration est remplacé aujourd’hui par une guitare. Et demain, un micro ? (en effet, le clip supprimé puis remis en ligne a subi quelques modifications, que je ne saurais retrouver dans le détail)
La suite ? Pas un pouce d’écart entre ce qui est dit et ce qui est montré. L’intelligence du visionneur est laissée au repos, ouf. Alors rigolons un peu. À la 18e seconde, l’on entend :
On peut appeler cela la culture et sur le mot
culture l’on voit : un gosse prêt à gober une bonne fourchette de nouilles. L’élégance à la française quoi.
À la 21e, l’on entend :
appelons cela du temps du temps riche et l’on voit : un gugusse dansant un casque sur les oreilles au beau milieu d’une route déserte la nuit tombée. La transgression d’accord, mais est-ce bien prudent de se balader ainsi jeune homme ?
À la 23e, l’on entend : [appelons cela]
du temps pas perdu. Vous croyiez à une grossière allusion proustienne ? Perdu, c’est une horloge de dessin animé qu’on vous fourre dans la poire.
À la 24e, l’on entend :
ça fait moins prétentieux et l’on voit : trois sportifs aussi contents l’un que l’autre d’avoir gagné une médaille. Ainsi la culture serait accessible même aux athlètes ?
À la 29e, l’on entend :
Parler de tout et sur cette portion de mots, l’on voit : trois coquettes jeunes femmes avec tasses de café américain, sacs de courses, en mini-jupes, sur un banc de jardin public. Je me rebiffe : non, les femmes ne font pas que bavasser (elles se recoiffent aussi).
La suite est à l’avenant. À la 30e seconde, l’on entend :
sans œillères, et l’on voit : une reproduction gravée du
Colin-maillard de Jean-Honoré Fragonard (1750), avec un plan rapproché de l’œuvre sur les yeux certes, mais également sur une partie de la gorge offerte au spectateur.
Une parfaite transition pour le plan suivant, accompagné par ces mots :
sans tabous. C’est
L’origine du monde, de Gustave Courbet (1866). France Culture n’a peur de rien, qu’on se le tienne pour dit. Notons que le recouvrement par bande noire n'est pas sans rappeler celui qui avait surmonté les seins, fesses et sexe des
Trois Grâces,
oeuvre de Cranach (1531) censurée sur la publicité du journal
Le Monde à Abou Dhabi en 2011.
À la 34e, l’on entend :
avec pour seules limites, l’état du savoir aujourd’hui : et l’on voit : les immuables clichés rapportés à la nouvelle technologie. Le/a chercheur/chercheuse dans son laboratoire ne fait pas vibrer les communiquants.
Soufflons un peu à la 40e seconde pour un plan qu’il m’a fallu regarder à trois reprises pour le comprendre : un homme à contre-jour pianote sur un clavier. Pas d’un ordinateur, mais d’un piano ou d’un synthétiseur ou d’autre chose, on ne sait, le premier plan bouche tout…
À la 41e seconde, attention, l’heure est grave : l’on entend :
en ces temps où l’entertainment prend le pas sur l’essentiel, et l’on voit : un homme accoudé, la mine pensive dans une chambre obombrée remplie de grosses peluches (mais où vont-ils chercher ces images ?) Il se demande : L'entertainment... l'entertainement... j'ai déjà entendu ça quelque part, mais où ?
Je passe sur les secondes suivantes pour arriver à cette pub pour le centre Pompidou où aurait dû avoir lieu (comme l’année dernière) le week-end « Imagine » de la chaîne. Sur cette photographie, l’on entend pile mot
passionnant (prononcé par la voix off).
À la minute, l’on voit encore un enfant danser, un casque sur les oreilles (à moins qu’il n’écoute un podcast des
Chemins de la philosophie).
À 1’02’’, avant le logo final, la dernière image du clip offre une image de l'auditoire tel qu'il est perçu par la chaîne :
Voilà comment l'argent destiné au service public est jeté par les fenêtres.
N.B. : Je laisse à d'autres le soin de commenter le texte.